La berbere est un mélange d’épices relevé (comme on peut le soupçonner vu la couleur) qui est un des piliers de la cuisine éthiopienne. Il existe d’autres mélanges (citons par exemple le mekelesha ou le mitmita pour les plus connus) mais le berbere est sans aucun doute le plus important. Sa qualité décide de la réussite d’un doro wat ou d’un misir wot.
Ceci n’est pas une version simple et rapide, je vous propose au contraire la « vraie » recette, comme elle est réalisée en Éthiopie. Elle demande un peu de travail car au lieu de juste mélanger des épices moulues, on part de piments entiers, et on incorpore certaines épices fraîches comme de l’ail et de l’oignon. Ensuite, il est courant de laisser ce mélange reposer 2 à 3 jours à température ambiante pour obtenir une très légère fermentation, bien que ça ne soit pas complètement obligatoire. Puis il ne reste plus qu’à faire sécher le mélange au four à basse température (ou au soleil s’il fait chaud), ajouter une ribambelle d’épices séchées, moudre le tout et tamiser pour obtenir une poudre fine.
Je vous avais prévenus que ça demandait un peu de travail ! Si vous préférez une recette plus simple, vous en trouverez sur d’autres sites, comme chez recettesvegetales.com ou 196flavors.
Les épices dans le berbere
Comme toujours, il n’y a pas une seule vraie recette du bebere, les épices et quantités varient d’une famille à l’autre. J’ai comparé de nombreuses recettes et fait une moyenne…
Épices fraîches : oignon rouge, ail et gingembre sont indispensables. On met aussi souvent du basilic ou basilic sacré éthiopien, des baies de la passion fraîches (bonne chance pour trouver ça !), du romarin, et parfois du « tedj », un hydromel (alcool de miel) éthiopien.
Du côté des épices sèches, on retrouve beaucoup de points communs avec le niter kibbeh publié précédemment, y compris plusieurs épices typiquement éthiopiennes. (Re)passons tout ça en revue :
- Korarima (ኮረሪማ) : la cardamome éthiopienne (Aframomum corrorima). Les grosses gousses noires font plusieurs cm de long et ressemblent visuellement à de la cardamome noire, mais le goût est beaucoup plus proche de celui de la cardamome verte. C’est une épice omniprésente dans la cuisine éthiopienne. Se trouve en épicerie éthiopienne ou sur Internet, souvent juste les graines sans les gousses (comme ici en photo). Si vous n’en avez pas, remplacez par de la cardamome verte.
- Koseret (ኮሰረት) : Lippia abyssinica de son nom scientifique, c’est une plante aromatique cousine de la verveine, dont on utilise les feuilles séchées et les brindilles en cuisine éthiopienne. Se trouve en épicerie éthiopienne uniquement. Si vous n’en avez pas, remplacez par un mélange moitié-moitié d’origan et de thym.
- Ajwain ou ajowan : Trachyspermum ammi, ce sont de toutes petites graines ressemblant à du cumin miniature (d’ailleurs en amharique on l’appelle « cumin blanc », ነጭ ኣዝሙድ = nech’i azimudi). Se trouve en épicerie indienne. Si vous n’en avez pas, remplacez par du thym ou du carvi.
- Nigelle : Nigella sativa, ce sont des graines noires qui ressemblent à s’y méprendre à du sésame noir (en amharique on l’appelle « cumin noir », ጥቁር ኣዝሙድ = t’ik’uri azimudi), mais au goût très différent. Se trouve en épicerie indienne. Si vous n’en avez pas, remplacez par du cumin.
- Fenugrec : de grosses graines qui ressemblent à de petits cailloux bruns. Elles ont un goût un peu âpre qui peut rappeler le caramel brûlé. Omettez si vous n’en avez pas.
- Beso bela (በሶቢላ) : un type de basilic sacré (Ocimum tenuiflorum, mais différent de celui qu’on trouve en Asie), qui pousse en Éthiopie, et est généralement utilisé séché. Se trouve en épicerie éthiopienne uniquement. Si vous n’en avez pas, remplacez par du basilic séché classique.
- Timiz (ጥምዝ) : Piper capense, un poivre long éthiopien, à ne pas confondre avec le « poivre long » normal (Piper longum). Malgré leur apparence similaire, leurs parfums sont différents. Remplacez par un tiers de poivre noir, un tiers de cardamome et un tiers de clou de girofle. Se trouve en épicerie éthiopienne ou sur Internet.
- Baie de la passion (ጤናዳም ou ጤናኣዳም ?) : Ruta chalepensis (ou Ruta graveolens ?), la baie séchée d’une petite plante à fleurs, à l’arôme fruité. Se trouve en épicerie éthiopienne ou sur Internet. Difficile à remplacer, omettez si vous n’en avez pas.
- Moutarde brune (ሰናፍጭ) : Brassica juncea, un cousin de la moutarde jaune (Sinapis alba), au goût similaire mais plus prononcé. Se trouve en épicerie indienne. Si vous n’en avez pas, remplacez par de la moutarde jaune, en augmentant la quantité de 25%.
- Moutarde d’Abyssinie (ጎመንዘር) : Brassica carinata, un autre type de moutarde. Difficile à trouver, on peut l’omettre.
- Des épices classiques : coriandre, poivre noir, cumin, clous de girofle, cannelle, romarin…
- Certaines recettes ajoutent aussi de la noix de muscade, ou du thym sauvage éthiopien (tosini)
Source : cette recette est tirée de plusieurs recettes que j’ai condensées, en particulier celles de la chaîne YouTube Adane - Ethiopian Food.
Recette de berbere (በርበሬ)
Mélange d'épices éthiopien, la vraie recette
Ingrédients
- 500 g de piments rouges séchés pas trop fort1
Ingrédients frais
- 60 g d’oignon rouge
- 125 g d’ail
- 50 g de gingembre
- 25 g de baie de la passion fraîche si vous en avez
- 25 g de basilic frais ou basilic sacré (beso bela)
- 5 g de romarin frais
- 50 à 100 ml de tedj (hydromel éthiopien) ou sinon de l’eau
Épices séchées
Voir le texte plus haut pour les détails sur les épices et substitutions possibles.
- 25 g de graines de korarima (cardamome éthiopienne, ou de la cardamome verte)
- 35 g de baie de la passion (Ruta chalepensis)
- 10 g de graines de coriandre
- 5 g de poivre noir
- 15 g de graines de fenugrec
- 15 g de graines de moutarde brune (ou jaune)
- 15 g de moutarde d’Abyssinie (Brassica carinata)
- 10 g de cumin
- 15 g de graines de nigelle
- 15 g de graines d’ajwain
- 10 g de cannelle
- 15 g de romarin
- 25 g de beso bela (basilic sacré éthiopien)
- 10 g de poivre timiz (poivron long éthiopien)
- 1 c. à soupe de koseret
- 5 g de clous de girofle
- 30 g de sel
- Personnellement j’ai acheté un paquet de gros piments rouges chez Paris Store dans le 13e. Je sais qu’en Amérique du Nord les éthiopiens immigrés utilisent souvent des piments guajillos. Si vous avez des piments très forts, vous pouvez en mettre moins et vous compléterez le reste avec du paprika en fin de recette. [retour]
- 1 c. à soupe = 1 cuillère à soupe standard rase = 15 ml
Instructions
- Un à un, essuyez les piments avec un chiffon légèrement humide et enlevez les tiges (uniquement la tige elle-même, laissez le reste du piment intact, il doit rester « fermé »). Vérifiez qu’il n’y a pas de traces de moisissures, si vous avez un doute vous pouvez casser le piment en deux.
- Passez les piments au mixeur pour obtenir des petits morceaux de quelques mm à 1 cm maximum. Mettez de côté.
- Coupez grossièrement les autres ingrédients frais et passez-les tous au mixeur pour obtenir une pâte grossière.
- Ajoutez les piments et mixez à nouveau pour mélanger. Ajoutez petit à petit 100 ml de tedj ou d’eau pour que le mélange soit légèrement humide.
- Facultatif : versez tout dans un grand récipient, tassez bien, fermez, et laissez reposer à température ambiante pendant 2 à 3 jours pour fermenter légèrement.
- Étalez le mélange sur une grande plaque et faites sécher au four à base température (60° à 80°) pendant plusieurs heures (voire une journée) en mélangeant de temps en temps, jusqu’à ce que le piment soit complètement sec. Faites attention à ne pas chauffer trop fort pour ne pas faire brûler/noircir le piment.
- Tour à tour, faites roussir quelques minutes les épices en graines dans une poêle sans matière grasse, en remuant souvent et en faisant attention de ne pas les brûler.
- Mélangez tous les ingrédients et passez-les au petit mixeur/moulin à épices pour obtenir une poudre fine. Tamisez au chinois et mixez à nouveau les plus gros morceaux restés dans le tamis.
- Conservez dans un récipient propre et hermétique, à l’abri de la lumière.