« On dirait des dents », c’est ce que des amis m’ont dit en voyant mon paquet de maïs blanc concassé. Ce paquet je l’ai acheté sans trop savoir qu’en faire, juste parce qu’on ne voit pas ça tous les jours. Je suis tombée dessus dans une épicerie exotique parisienne appelée Hakuna Matata, à mi chemin entre Nation et porte de Montreuil. De marque « Tersol », on peut lire sur le paquet : « Maïs hominy blanc, origine France ».
Y’a plusieurs choses qui m’ont interpelées :
Déjà, du maïs sec qui ne soit pas du maïs popcorn, c’est quasi introuvable chez nous. Le saviez-vous, tous les maïs ne se valent pas ? (voir ci-dessous)
Ensuite, du maïs blanc, j’en avais jamais vu (le saviez vous, il existe aussi du maïs bleu, rouge ou violet ?). Origine France en plus !
Et puis, c’est le mot « hominy » qui m’a interpellée. Normalement, ça désigne du maïs « nixtamalisé », c’est à dire qui a été trempé et cuit dans une solution alcaline (alcalin = le contraire de l’acide), ce qui retire la peau, rend le grain plus nutritif et donne un goût particulier. Je dis « normalement » parce que je ne suis pas 100% sûre que ce maïs là soit nixtamalisé. L’usage a l’air de différer d’un pays à l’autre, et je n’ai pas trouvé comment déterminer avec certitude si du maïs a été nixtamalisé ou non. Le plus simple c’est probablement au goût, mais je suis pas assez experte…
Les types de maïs
Du coup j’ai fait pas mal de recherches sur le maïs ces derniers temps alors voilà un petit topo. Il existe plusieurs types de maïs, on distingue principalement :
- le maïs doux : plus sucré que les autres variétés, c’est le maïs qu’on achète en boîtes, ou (plus rarement en France) en épis. Il est récolté jeune, quand les grains sont encore tendres et avant que le sucre ne se soit transformé en amidon. Le maïs doux peut même être récolté très jeune pour donner du « mini-maïs ». Les autres variétés de maïs sont récoltées plus tard quand les grains sont secs.
- le maïs pop-corn : comme son nom l’indique, il sert à faire du pop corn. La particularité du maïs pop corn c’est la peau des grains qui est non poreuse et résistante. L’intérieur des grains contient environ 15% d’humidité. Quand on les fait chauffer, l’eau se transforme en vapeur, mais ne peut s’échapper et donc la pression monte, jusqu’à ce que la peau éclate.
- le maïs à farine : qui, comme son nom l’indique, sert à faire de la farine de maïs.
- le maïs grain : en gros, tout le reste. C’est celui qui sert à faire la semoule de maïs, la polenta, les tortillas, les corn flakes… ou à nourrir les poules. Il est de variété « maïs denté », « maïs corné », ou hybride. Pour la consommation humaine, il est récolté tard et séché. Mais pour les animaux il existe d’autres utilisations, comme la mise en ensilage de la plante entière.
Mon paquet de maïs, c’est donc le dernier type.
La maïs existe de plusieurs couleurs, surtout jaune ou blanc, plus rarement orange, rouge, violet, bleu. La couleur ne change pas tellement le goût, mais les nutriments varient un peu. Par exemple, le maïs jaune contient des caroténoïdes qui lui donnent sa couleur et son absents dans le maïs blanc.
Un grain de maïs se compose de trois parties : le péricarpe (la peau), l’endosperme (tout le milieu) et le germe (la pointe). Mon maïs à moi est dégermé (on voit bien qu’il manque la pointe) et également sans le péricarpe (quelques grains on encore un peu de peau mais la plupart n’en ont pas). En plus de ça, il est cassé en gros morceaux (concassé). Et puis, il a peut être été nixtamalisé, voir plus haut, mais je ne suis pas sûre.
Que faire avec du maïs blanc (ou jaune) concassé
Pour trouver quoi en faire, je suis allée chercher principalement du côté de l’Amérique Latine, où le maïs est un aliment traditionnel. De ce que j’ai pu trouver, en espagnol le maïs que j’ai s’appelle « maíz trillado », « maíz pisado » ou encore « morocho partido ». En anglais c’est « cracked hominy ». Ça se cuit exactement comme les légumineuses : on lave le maïs, on le fait tremper une nuit, et on le cuit environ 2h.
Et après ça on en fait quoi ?
Le plus simple, c’est ce que je vous propose aujourd’hui, la « mazamorra » colombienne : du maïs (blanc ou jaune) servi en toute simplicité avec du lait et du sucre. La mazamorra peut être mangée en accompagnement, en dessert, en petit déjeuner… Bref un peu tout, et certains la considèrent plutôt comme une boisson. On peut s’en douter en regardant les ingrédients, il ne faut pas s’attendre à une explosion de saveurs. C’est ce que c’est, une façon simple et traditionnelle de manger cette céréale. C’est un peu comme le porridge nature, on aime ou on aime pas.
Il existe aussi le « peto costeño », quasi identique à la mazamorra à ceci près que le maïs est généralement cuit avec des bâtons de cannelle. Toujours similaire, en Équateur le « morocho » est cuit directement dans le lait, puis on ajoute le sucre et éventuellement des raisins secs.
Les Jamaïcains quand à eux en font du « hominy porridge », en ajoutant en fin de cuisson du lait de coco et du lait concentré sucré, et quelques épices (cannelle, muscade).
Une fois cuit, le maïs nature peut aussi être ajouté dans des soupes salées ou des plats mijotés, par exemple un plat argentin appelé « locro », mélange de viande, de maïs, de haricots blancs, de potiron et d’autres légumes.
Ça n’a pas l’air très traditionnel, mais on peut aussi le servir en accompagnement à la place du riz, avec un peu de sel et de beurre. J’en ai mangé avec des restes de curry de la semaine dernière et c’est très bien passé.
Enfin, on peut mixer le maïs cuit pour obtenir une pâte, avec laquelle on fait des « arepas », sortes de galettes de maïs qui remplacent le pain des sandwichs en Colombie et au Venezuela. On peut aussi étaler la pâte et en faire des chaussons fourrés à la viande, pour obtenir des « empanadas » colombiens. Pour ces deux dernières applications, il est plus courant de nos jours d’utiliser de la farine de maïs précuite, mais partir du maïs entier c’est la méthode traditionnelle comme le faisaient les grand-mères colombiennes.
Je tenterai sûrement certaines de ces autres recettes puisqu’après avoir fait cuire la moitié de mon paquet de maïs je me suis retrouvée à 2 kg de maïs cuit !!
Source : cette recette est tirée du site Sweet y Salado de Diana, et est disponible également en anglais.
Recette de mazamorra antioqueña
Soupe sucrée de maïs colombienne
Ingrédients
- 200 g de maïs sec concassé blanc ou jaune (« maíz trillado » ou « maíz pisado » en Espagnol, « cracked hominy » en anglais, pas du maïs popcorn)
- lait
- sucre complet (« panela » sud-américaine, « jaggery » indien, sucre rapadura ou muscovado en magasin bio) et/ou gelée de goyage
Instructions
- Inspectez le maïs pour vérifier qu’il n’y a pas de cailloux ou autres impuretés. Lavez le maïs une ou deux fois pour enlever l’excès d’amidon puis laissez le tremper dans un grand volume d’eau pendant 12 à 24 h (facultatif, permet de réduire le temps de cuisson).
- Égouttez le maïs, transférez le dans une grande casserole, et couvrez largement d’eau. Portez à ébullition à feu vif puis couvrez et faites mijoter à feu doux pendant environ 2 h (3 h sans trempage), jusqu’à ce que le maïs soit bien tendre et s’écrase facilement entre les doigts. Rajoutez de l’eau en cours de cuisson si besoin.
Servez le maïs dans des bol ou des tasses. Recouvrez de lait ou d’un mélange de lait et d’eau de cuisson, accompagné de sucre complet (râpé, si c’est du sucre en bloc). Vous pouvez le servir chaud ou froid, en accompagnement d’un repas ou en dessert.
S’il vous reste du maïs, égouttez le avant qu’il refroidisse car l’eau de cuisson risque de se gélifier à cause de l’amidon.